MARGUE Tung-Wen

MARGUE Tung-Wen

Du 14.11.2024 au 22.12.2024

À propos de l’exposition

« Une scénographie pour la fin des temps « ?

Tung-Wen est un artiste engagé, il n’est en rien un spectateur indifférent aux passions et aux évolutions qui affectent le monde. Il s’agit toutefois avec cette exposition d’autre chose, de la capacité de quelques artistes à saisir et à exprimer des tendances et des émotions souterraines, qui agitent les ressorts profonds d’une société, voire, comme ici, de la nature elle-même. Avec les œuvres rassemblées, tout se passe en effet comme si les forêts elles-mêmes et leurs habitants ailés nous transmettaient leur hantise et leurs angoisses. La hantise d’un anéantissement en cours du monde, de notre monde commun, d’une sorte de retour à l’abîme des origines. Une menace de dévastation dont nous sommes non pas les témoins, mais les acteurs principaux et … indifférents. Ce sont désormais les populations sauvages qui s’effondrent autour de nous, oiseaux en tête, les forêts qui dépérissent quand elles ne brûlent pas, la production alimentaire mondiale qui s’affaisse, les canicules qui s’enchaînent, même au cœur de l’hiver austral, les vagues mortelles de chaleur humide qui apparaissent, les inondations hors normes que peuvent désormais provoquer d’uniques orages, et … rien, ou si peu !

Seul l’artiste, en ce silence assourdissant parvient encore à donner voix et figure à la complainte des éléments. Ce sont tout d’abord les oiseaux qui nous accueillent comme si de rien n’était, déchirant de leur couleurs le voile du monde et de notre impassibilité. Peu à peu leur milieu semble les absorber, les dévorer. De mystérieux lazzis blancs, des manières de ricanements spatiaux du paysage, surgissent. Puis ce sont les arbres qui viennent à hurler leurs avertissements colorés avec au bout du compte des panaches enflammés. Ils ont ensuite tendance à céder la place à leurs propres ombres, décharnées, à être entraînés dans une danse macabre, tel un vortex les conduisant à l’abîme. Des ocres de terre mêlés à la brume apparaissent encore. Mais le mouvement est d’ores et déjà ailleurs. Il les emporte dans une sorte de vortex irrésistible vers la noirceur des profondeurs. Il ne s’agit pas d’un simple glissement de terrain tels ceux que produisent désormais de façon récurrente des précipitations fluviales qui se comportent comme des torrents de laves froides, ou plus discrètement la fonte du pergélisol entrainant la chute de rochers lacérant et déchirant jusqu’à la structure du sol, mais d’un dérapage du monde lui-même, d’un dérapage cosmique, du retour du monde commun aux vivants au chaos des origines, aux abysses d’avant la vie. Les volutes blanches, en réalité indemnes de formes, et donc de vie, tracent désormais des cercles délétères de plus en plus vastes et alertes qui embrassent la totalité des paysages et des toiles. Il n’est pas question de gravitation, d’attraction des planètes les unes vers les autres pour ménager la stabilité d’un ordre cosmique, mais d’attraction du néant, de dévastation dynamique. Les mouvements d’un gigantesque serpent cosmique se dessinent. Ce n’est plus le reptile divin des récits amérindiens qui accouche du monde, mais celui trop humain de nos propres activités, de notre insatiabilité de ressources, de notre puissance technique qui détruit et dévore le monde au lieu de le produire.

Le vacarme des désirs mercantiles et de la désinformation ordinaire sont tels que le chœur des sciences du climat et du vivant est inaudible. La vie se meurt au milieu d’une fanfare futile. Seul l’artiste, usant du détour du loisir et de la vacance d’une humanité autrement affairée, tente encore de jeter un pont vers le futur et de nous y pousser.

                                                        Dominique BOURG

La forêt incandescente (1) - 100 x 100 cm
Menace (2) - 100 x 82 cm
Tung-Wen MARGUE
L'air en feu (2) - 162 x 130 cm
Paradis perdu (1) - diamètre 160 cm
Menace (4) - 100 x 82 cm
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